La Cour européenne des droits de l’homme a rendu récemment un arrêt qui pourrait avoir de nombreuses conséquences en matière fiscale.
Les faits à l’origine de cet arrêt sont les suivants : une banque suisse a été mise en examen en France pour, en substance, encouragement à la fraude fiscale. Elle aurait démarché de riches résidents français afin qu’ils placent leurs avoirs en Suisse en vue d’éluder l’impôt. La banque fut mise en examen pour blanchiment aggravé de fraude fiscale et placée sous contrôle judiciaire avec l’obligation de déposer un cautionnement d’un montant d’un milliard cent million d’euro. Les juges sont arrivés à ce montant en prenant compte divers éléments: le poids du marché français par rapport au marché européen, les fonds propres de la banque, ses bénéfices… Ils évaluèrent le montant des sommes fraudées et blanchies à plus de neuf milliards d’euro chaque année, soit une amende encourue de près de cinq milliards d’euro selon le droit français.
Les juges d’instruction ont estimé que le montant de plus d’un milliard d’euro apparaissait compatible avec les ressources de la banque. Les juges d’instruction ont considéré que nul ne pouvant prédire l’avenir de la banque, le versement de la caution était nécessaire pour garantir, le cas échéant, la réparation des dommages et le paiement de l’amende.
Après épuisement des voies de recours internes, la banque suisse allègue devant la Cour européenne une violation de la présomption d’innocence (article 6 CEDH) et une violation du droit à la protection de la propriété.
La Cour rejette ces arguments.
Concernant la présomption d’innocence, elle juge qu’une distinction doit être faite entre les décisions ou les déclarations qui reflètent le sentiment que la personne concernée est coupable et celles qui se bornent à décrire un état de suspicion. Ces dernières ne violent pas la présomption d’innocence.
Au sujet du droit à la protection de la propriété, la Cour rappelle qu’une restriction temporaire à l’usage d’un bien relève du pouvoir qu’ont les Etats de réglementer l’usage des biens, conformément à l’intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d’autres contributions ou des amendes. Le cautionnement litigieux est prévu par une loi et son montant n’est pas jugé disproportionné par la Cour qui relève qu’une préoccupation croissante et légitime existe tant au niveau européen qu’international à l’égard des délits financiers qui représentent « des comportements socialement inacceptables, qui peuvent affecter les ressources des Etats et leur capacité à agir dans l’intérêt commun ». La Cour ajoute que le cautionnement constitue une mesure provisoire qui ne préjuge pas de l’issue du litige et n’entraîne pas de transfert de propriété. Le montant du cautionnement a été suffisamment motivé par les juridictions françaises et la banque a bénéficié de garanties procédurales suffisantes.
On le voit, la Cour européenne des droits de l’homme n’hésite pas à évaluer la proportionnalité d’une mesure au regard de la préoccupation croissante que constitue la lutte contre la fraude fiscale. Jusqu’où ira-t-elle ?
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